Tout à coup, la musique éclata, attaquant une marche triomphale. Revêtus de leurs uniformes de guerre et défilant deux par deux, les pilotes survivants de l’Escadrille Lafayette apparurent, suivant leur capitaine. Des applaudissements crépitèrent parmi la foule ; toutes les têtes se découvrirent. La cérémonie commençait.

 

 

Le Révérend W. A. Hemmick prononça l'invocation. Le Docteur Gros, Président de la Commission, retraça en phrases éloquentes comment avait été conçue, puis réalisée l'idée de ce Mémorial dont il avait été l'animateur infatigable.

 

J'avais été le chef de ces hommes et c'était à moi qu'incombait maintenant l'honneur de leur rendre hommage.

 

Je rappelai à l'auditoire la Guerre de l'Indépendance Américaine, les exploits de Lafayette et narrai succinctement ceux des volontaires.

 

« Sur 267 Américains qui s'engagèrent dans l'aviation française, 225 reçurent leur brevet de pilotes et 180 servirent au front. Il y eut 62 morts, dont 51 en combat; 15 furent faits prisonniers et 19 blessés. Avec 199 victoires officielles, tel était, à l'Armistice, le bilan de

l'Escadrille Lafayette.

 

« Elle avait bien rempli sa tâche. En élevant à sa gloire ce monument, le peuple d'Amérique a voulu marquer l'ampleur de sa reconnaissance. Mais ces lignes imposantes pourraient étonner si l'on ne considérait que le rôle matériel joué par cette petite unité

perdue dans la masse des armées. Ce n'est pas la présence de ces deux cents hommes qui a pu influencer favorablement la victoire finale. Pourquoi, alors, aujourd'hui, tous ces chefs ? Pourquoi cette foule recueillie ?

 

« De nos jours, si la mémoire de Lafayette est plus révérée que celle de Rochambeau, dont les armées mirent pourtant fin à la guerre, c'est que Lafayette était venu comme volontaire.

 

«Les peuples aiment les âmes ardentes qui n'attendent pas des ordres pour mourir, et c'est pourquoi ces aviateurs ont bien mérité leur gloire. A juste titre, les Etats-Unis traitèrent tout de suite en enfants particulièrement aimés ceux auxquels nous rendons hommage. Dès 1916, et pendant toute l'année 1917, le pays entier était empli de leurs exploits. Dans Main Street ou dans  Broadway, les Américains lisaient, chaque matin, en première page de leur journal, ce que l'Escadrille avait fait la veille.

 

« C'était leur seule armée au front ! Ils en éprouvaient une immense fierté et, peu à peu, la nation qui sentait qu'elle ne devait pas abandonner à un sacrifice inutile cette avant-garde, fut entraînée vers elle. Ce ne fut pas là l'une des moindres raisons qui la firent

entrer dans la bataille, toujours pour défendre ces mêmes principes de liberté.

 

« Nos volontaires eurent là un rôle symbolique tel qu'ils ne purent jamais en réaliser eux-mêmes toute l'importance. C'est pourquoi nous honorons officiellement ceux qui, ne consultant que leurs cœurs, avaient quitté leurs mères éplorées pour aller se sacrifier pour

cette seconde mère, — La France.

 

 

« Sans elle, le monde ne serait plus le monde; la vie ne vaudrait plus la peine d'être vécue, me disaient-ils. Cet amour m étonnait moi-même '.... Leurs corps, hier encore dispersés sur toutes les parties du front, aujourd'hui rassemblés dans cette crypte, sont la pour témoigner de la loyauté de cet amour.

« .Anciens frères d'armes !... Dans les cœurs des deux Nations toujours amies, votre souvenir sera éternellement gardé, plus sûrement que sur le marbre !

 

« Et de celui dont la seule distinction fut, non de vous commander, mais de servir avec vous, recevez un dernier adieu... »