L'HISTOIRE
L'histoire de l'Escadrille La Fayette constitue l'une des plus méconnues et des plus glorieuses aventures de la première guerre mondiale.

En août 1914, au moment de la mobilisation générale, quelques jeunes américains séjournaient en France. Ils étaient, pour la plupart, fils de riches familles, sportifs, menant une vie dorée, participant à des courses au large avec leur propres yachts ou à des compétitions aériennes avec leurs propres avions.

Un manifeste signé par Blaise Cendrars, écrivain d'origine suisse, parut dans toute la presse appelant les étrangers résidant en France à s'engager dans l'armée française. Tous ces jeunes américains, épris de liberté, habités par l'esprit d'aventure, étaient prêts à en découdre en s'engageant aux côtés de la France. Mais répondre à cet appel n'était pas aussi simple; les Etats-Unis n'étaient pas en guerre contre l'Empire allemand, et tout citoyen américain se mettant au service d'une puissance étrangère perdait ses droits et sa nationalité. L'ambassadeur des Etats-Unis à Paris leur souffla la solution: ils devaient soit s'engager comme combattants dans la Légion Etrangère, soit comme non-combattants dans les services ambulanciers volontaires, ce qu'ils firent tous sans hésiter. Cela signifiait pour les premiers, qu'après une instruction militaire rapide, ils étaient envoyés au front en tant que fantassins. Parmi eux, William Thaw, fils d'un milliardaire de Pittsburg. Il était en France pour participer à la Coupe Schneider, une course de vitesse avec son propre avion, un Curtiss. Après des mois, quittant les tranchées boueuses du front, son unité fut envoyée au repos. il apprit l'existence d'un terrain d'aviation. Il s'y rendit, rencontra un officier français à qui il manifesta son désir de servir dans l'aviation. Cet officier lui promit d'intervenir.

Il faut se souvenir qu'à l'époque, les aviateurs avaient la même notoriété que les cosmonautes aujourd'hui. La toute nouvelle armée de l'air ne comptait que 80 appareils et il y avait suffisamment de pilotes français. Pourtant, cet officier tint parole et Thaw fut le premier américain à pouvoir rejoindre une école de pilotage. A la fin de son stage, il fut affecté dans une escadrille de bombardement.

C'est à un autre américain qu'on attribue la paternité de l'escadrille La Fayette : Norman Prince,27 ans, diplômé d'Harvard. Son père, riche financier, avait accordé à la République française des prêts de guerre d'un montant considérable. Il possédait en France de grandes propriétés où Norman avait passé toute une partie de son enfance, entre autres à Pau où son père organisait des chasses au renard qui réunissaient l'élite de la société. De ce fait, Norman Prince avait d'importantes relations au plus haut niveau. Il avait obtenu en 1911 son brevet de pilote de la Fédération Aéronautique Internationale avec le numéro 55. En janvier 1915, il quittait les Etats-Unis, avec en tête, le projet de créer une escadrille uniquement composée d'Américains. Après être passé comme les autres par la Légion Etrangère, mais tout à fait brièvement, il fut affecté dans une unité de bombardement comme simple soldat. Seize autres Américains volaient déjà sous les cocardes françaises.

A l'occasion des fêtes de Noël 1915, Thaw, Prince et un troisième pilote Cowdin, obtinrent des permissions pour retourner voir leur famille aux Etats-Unis. La presse américaine, qui parlait des exploits de ces jeunes volontaires, fit qu'ils reçurent un accueil triomphal à New York et devinrent de véritables vedettes.

A leur retour en France, Prince et ses deux amis furent reçus par le Secrétaire d'Etat à l'Aéronautique car, à Paris, le gouvernement avait suivi avec un vif intérêt l'évolution de la presse américaine qui souhaitait, suivant l'exemple de ces valeureux pilotes, que les Etats-Unis sortent de leur isolationnisme et s'engagent enfin dans cette guerre au côté de la France comme l'avait fait, en son temps, le jeune marquis de La Fayette qui avait risqué sa vie et sa fortune en se mettant au service de Georges Washington.

Le Grand Quartier Général fut invité à prendre la décision de former une escadrille avec tous les pilotes américains dispersés dans les unités françaises. C'est là l'origine de l'escadrille qui s'appelait alors l'escadrille américaine, sous commandement français celui du Capitaine Thénault et de son adjoint, le Lieutenant de Laage de Meux. En avril 1916, la nouvelle escadrille, la N 124, recevait tout son personnel, français lui aussi, soit quatre-vingt hommes, mécaniciens, conducteurs, secrétaires, cuisiniers… , et ses premiers pilotes américains parmi lesquels nos trois héros auxquels vinrent se joindre Victor Chapman, Kiffin Rockwell, James McConnell, Bert Hall et, un peu plus tard, Raoul Lufbery.

Tous firent mouvement vers Luxeuil les Bains, petite station thermale des Vosges qui possédait un terrain d'aviation à proximité du front. Mais l'escadrille n'avait pas encore ses propres avions. Elle reçut enfin ses six premiers appareils de chasse, des bébés Nieuport, excellent appareil très maniable qui volait entre 150 et 170 km/heure. Il faut se souvenir que les premiers avions militaires, en particulier les bombardiers, ne dépassaient guère les 70 km heure et que les mécaniciens volant avec leur pilote se défendaient contre leurs adversaires avec une carabine Winchester. Le Nieuport, lui, était équipé d'une mitrailleuse.

La première mission de l'escadrille fut de protéger les bombardiers anglais et français stationnés à Luxeuil. Le 18 mai 1916, Kiffin Rockwell apporta sa première victoire à l'escadrille en abattant un biplace allemand armé de deux mitrailleuses. Ce premier succès fut célébré avec faste.

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Le mess de l'escadrille était connu de tous les pilotes à la ronde. Il était subventionné par un riche américain et avait pour chef un ancien saucier du Ritz de New York. On ne comptait plus les aviateurs de passage qui, à l'heure des repas, se découvraient un ennui mécanique pour se poser et profiter d'une telle cantine, inquiets toutefois de devoir caresser les deux mascottes de l'escadrille, les lions Whisky et Soda.

 

En fait, cette vie agréable ne doit pas cacher que ces jeunes pilotes risquaient leur vie chaque jour. D'ailleurs, très vite, de nouveaux pilotes furent nécessaires pour remplacer ceux qui ne rentraient pas de missions ou qui étaient blessés lors des combats aériens ou par les tirs provenant du sol. Puis l'escadrille fut envoyée à Bar le Duc pour prendre part à la bataille qui faisait rage autour de Verdun. Elle livra 146 combats, obtint 13 victoires confirmées. Elle perdit un pilote et trois autres furent blessés grièvement. Retour à Luxeuil pour reprendre la protection des bombardiers français et britanniques basés sur ce terrain. Kiffin Rockwell, celui à qui l'escadrille devait sa première victoire, fut tué en combat aérien. Norman Prince fut grièvement blessé en rentrant de mission sur l'Allemagne et mourut trois jours plus tard.

 

 

Puis, en octobre 1916, l'escadrille est envoyée dans le secteur de la Somme. La météo est épouvantable; pluie, brouillard, neige, boue sont le lot quotidien des pilotes. C'est là qu'arrivent les premiers SPAD plus performant et mieux armés que les Nieuport. En prévision de l'offensive du printemps 1917, l'escadrille est envoyée à Ravenel, dans le secteur de l'Oise et de l'Aisne.

 

 

 

 

 

Quelques jours plus tard, le 16 août 1917, le Général Pétain décerne à l'escadrille sa première citation à l'ordre de l'armée:

" Escadrille composée de volontaires américains venus se battre pour la France, avec le plus pur esprit de sacrifice. A mené sans cesse sous le commandement du Capitaine Thénault qui l'a formée, une lutte ardente contre nos ennemis. A soulevé l'admiration profonde des chefs qui l'ont eue sous leurs ordres et des escadrilles françaises qui, combattant à ses côtés, ont voulu rivaliser avec elle. Dans des combats très durs et au prix de pertes graves qui, loin de l'affaiblir, exaltaient son moral, a abattu 28 avions ennemis homologués. "

Les officiels allemands protestèrent contre la présence de cette escadrille appelée "américaine" qui, pour eux, était la preuve évidente de la rupture de la neutralité des Etats-Unis. Pour éviter des problèmes avec Washington, les autorités françaises décidèrent que cette unité s'appellerait à l'avenir l'Escadrille La Fayette.

L'insigne de l'escadrille était une tête de sioux copie, à l'origine, de celle qui ornait les caisses de fusils Remington.

Au cours de ses vingt-trois mois au combat, l'escadrille fera mouvement 11 fois, sur 9 terrains différents, des Vosges à la Picardie pour rester au contact des premières lignes.

En avril 1917, les pilotes américains qui constituaient l'Escadrille La Fayette se réjouirent de l'entrée en guerre de leur pays, bien que leur escadrille fut vouée à disparaître puisqu'il s'agissait d'une unité française. L'armée américaine, ayant besoin de pilotes expérimentés, leur promettait des promotions et beaucoup d'entre eux demandèrent leur mutation, parmi eux, celui qui comptait le plus grand nombre de victoires, le "Sous-Lieutenant" Lufbery qui deviendra "Major" dans l'U.S. Air Service.

L'Escadrille La Fayette, dans sa forme originelle, cessa d'exister le 18 février 1918. A cette date, elle devint la N.103, la première escadrille de chasse américaine. Elle conserva, toutefois, ses avions et ses mécaniciens français. Ce même jour, le capitaine Thénault, promu commandant, après trois années passées au front, se rendra à Pau pour prendre la direction de l'instruction de l'école. Il a à son actif sept victoires dont quatre homologuées. Il a surtout parfaitement réussi sa mission : Créer et diriger une escadrille qui devint le noyau du premier groupe de chasse américain placé sous le commandement de William Thaw promu commandant.

le capitaine Thénault et son chien Fram devant un Spad

 

Il faudra attendre trois années après l'armistice de 1918 pour que l'insigne du Sioux et les traditions de la 124 soient transmises à l'escadrille n° 23 du groupe de chasse 35 stationné à Lyon-Bron. En 1932, le ministère de l'Air réorganisa l'aviation militaire; le groupe de chasse 35 devint la 5ème escadre. Les "Sioux" formèrent la 3ème escadrille et furent associés à l'escadrille des Cigognes. Sous l'appellation - groupe de chasse 2/5, ces deux escadrilles allaient désormais conjuguer leurs efforts.

Pour celles et ceux que l'histoire passionnent, il faut découvrir le livre que Jean Gisclon a dédié à l'escadrille La Fayette. Jean Gisclon, lui-même pilote de chasse au sein du groupe 2/5, est considéré comme l'historiographe officiel de l'escadrille. Dans ce livre le colonel Gisclon raconte pendant près de 400 pages l'histoire de l'escadrille de sa naissance jusqu'à 1945, année de la fin de la seconde guerre mondiale.

Comme pour faire écho à ce livre achevé d'imprimer en 1994, une plaque commémorative a été apposée la même année sous l'aile principale du monument. Elle comporte 22 noms, ceux des pilotes tombés de 1939 à 1945.